En 2009, Montréal sera l’hôte de Worldcon, la prestigieuse conférence de la World Science-Fiction Society, tenue à Yokohama, au Japon, en 2007 et à Denver en 2008. La littérature de genre (anticipation, science-fiction, fantasy) a été réhabilitée ces dernières années et se déleste de sa réputation nerdy en gagnant un lectorat qui ne peut être ignoré. Clive Thomson, de la revue Wired, écrit que la science-fiction est le dernier bastion de l’écriture philosophique. La science-fiction serait une littérature d’idées. La littérature contemporaine née de l’auto-fiction offre toujours la même maquette et ne nous apprend rien de neuf sur l’humanité : elle présente le même couple d’ivrognes vivant en ville, léchant les mêmes plaies, entretenant les mêmes maîtresses, allant au théâtre et voyageant en des lieux exotiques tout en refusant de vieillir. Toutes les facettes ont été explorées. Reste la science-fiction qui ose nous poser des questions comme : Comment l’amour serait-il vécu si nous vivions tous passé 500 ans ? Qu’arriverait-il si l’on pouvait parler à Dieu, le confronter ou le tuer ? Et si l’on pouvait copier la propriété privée comme on le fait avec un MP3 ? Les adolescents adorent se pencher sur de telles questions, ce qui explique les phénomènes Phillip Pullman, la série Narnia et, oui, Harry Potter. Mais les intellectuels avaient autrefois un goût marqué pour les Aldous Huxley et George Orwell de ce monde, et nous réintégrons lentement cette tradition. Un doctorant en bioéthique de l’Université de Montréal, né la même année que le premier Indiana Jones, posait la question suivante lors du dernier Congrès Boréal : « La science-fiction peut-elle être un outil de travail en bioéthique ? » Le vent tourne, des écrivains « sérieux » s’y mettent. The Road de Cormac McCarthy, le roman phare de l’année, utilise l’anticipation pour poser des questions importantes sur l’incarnation du bien et du mal. Philip Roth réécrit l’histoire des États-Unis dans The Plot Against America. Et que dire de Don DeLillo ?
Et au Québec ? En 2007, Michel Tremblay, qui a souvent tangué avec l’irréel, fait revivre dans Le trou dans le mur des personnages de La cité dans l’œuf. Mais il y a aussi les hardcore comme Esther Rochon qui, dans son Cycle de Vrenalik, se demande si le Québec est une nation. Élizabeth Vonarburg, dans Le silence dans la cité, invente une jeune fille douée de pouvoirs magiques pour régénérer une société perdue. Dans son uchronie 1534, Denis Côté nous fait vivre éternellement l’année de la découverte de Cartier. Les frontières géographiques et sociopolitiques sont constamment remises en question dans la SFFQ (science-fiction et fantastique québécois). Dans ce numéro spécial de la revue, nous avons choisi de vous présenter des textes de nouveaux visages de la SFFQ. Un terreau très fertile commence à germer et son horizon est très varié, ne suivant pas toujours les conventions de la littérature de genre. Plusieurs jeunes auteurs de SFFQ réalisent déjà des exploits : Martin Bois et Sébastien Lévesque, les deux auteurs de la série Eloik seront traduits en chinois et en anglais l’an prochain; Zengzi Labarre-Wu verra son premier livre publié chez un éditeur du 6e arrondissement de Paris; Sorine Arnaud, technicienne en pharmacie, explore un monde où l’eau devient la monnaie d’échange. L’avenir, quoi.