NUMÉRO 6
Soit que mon entourage est composé essentiellement d’aficionados de la simplicité volontaire, ne voulant pas encombrer leurs logis avec rien de plus qu’une chaise à trois pattes rembourrée de matériaux post-consommation et de tables en Formica trouvées sur un trottoir, soit qu’il est sérieusement temps de réveiller les Québécois de leur assoupissement généralisé et les inciter
à consommer notre culture littéraire. Ce numéro de Zinc est compilé pour vous mettre en appétit.
Nous vous y présentons, sous la forme d’une petite anthologie de poche, quatorze textes qui proviennent de nouvelles voix féminines de notre littérature. Le thème proposé était le désir sous toutes ses formes.
Nous espérons que ce numéro de Zinc vous donnera envie d’adopter notre littérature. Ces nouvelles voix féminines sont atteintes d’une violente lucidité ; elles utilisent le bistouri quand vient le temps de parler d’amour, de désir, de sexe, et elles nous montrent les entrailles de nos relations modernes sans user de vernis. C’est loin de sentir l’eau de rose.
Dans ce numéro, Suzanne Myre sublime sa voix en celle d’un petit garçon qui se nourrit d’une étrange gastronomie pour oublier le monde cruel qui L’entoure. La protagoniste du texte de Nelly Arcan raconte la genèse de sa fascination pour son corps en relatant les sauts qu’elle devait faire pour voir son reflet dans le miroir de la commode de sa mère. Lisez aussi Kim Doré : ses poèmes sont des cathédrales, qui projettent un sens inconnu, mystique. Marie-Sissi Labrèche, notre femme-Bukowski qui s’est exilée en Suisse pour quelque
temps, nous propose l’amour comme une cicatrice postchirurgicale. Marie-Chantale Gariépy traduit le refus de l’amour à travers une course folle dans les montagnes qui prend les tons d’un film noir. Mélikah Abdelmoumem,
elle aussi exilée sur le Vieux Continent, accomplit le geste subversif par excellence en choisissant une vie plus tranquille. Elle en explique les raisons dans un texte épistolaire où l’amour est le grand coupable. Emilie Andrewes,
dans une étrange fable agricole où même les porcs prennent la parole, narre un incident impliquant une demoiselle, un paysan amoureux et une côtelette avariée. Dans le texte de Karoline Georges, le rapport entre homme est
femme est redéfini.Vous lirez en gloussant le texte de la romancière Danielle Phaneuf, dont le personnage est loin d’être dupe de la petite pilule que doit avaler son copain pendant le téléjournal pour être plus vigoureux au lit.
La plume silencieuse de Nadine Bismuth recèle une cruauté qui ne peut pourtant pas nous empêcher de sourire; dans sa nouvelle, une femme déploie une vendetta sournoise, de la manière qu’ont les femmes d’assommer leur
adversaire avant qu’il ne se retourne. En prime, elle vous explique comment trouver le mot de passe pour accéder aux courriers électroniques de votre mari. Dans une réflexion entre nature et art, Françoise de Luca se rappelle
comment elle a volé deux pommes dans le jardin du poète René Char. Vous aurez également l’occasion de découvrir MEB, une jeune poète qui oeuvre dans le domaine de la musique. Elle nous propose ici une suite de poèmes qui oscillent entre l’Écosse et Montréal. Enfin, Marie-Hélène Poitras, qui publie cet automne un recueil de récits intitulé La mort de Mignonne, nous révèle un monde au point du jour, où les personnages s’aiment dans des églises éventrées. Pour la section francophonie, nous avons choisi une jeune auteure originaire d’Albanie, Ketrin Leka, dont le texte décrit les tourments amoureux d’un homme d’église.
Dans notre section essai, Jade Bérubé raconte la croisade de Cristina Iovita, une des figures les plus dissidentes du milieu théâtral québécois. Ces femmes de la nouvelle génération sont ancrées dans leur époque et la racontent sans la
passer au moulin des grandes illusions. Lisez ces femmes résolument lasses d’utopies, libérées des pièges des anciens et prêtes à rebâtir avec leurs cendres un monde nouveau, un monde lucide.