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NUMÉRO 12

BLOGUES
Cabinet de curiosités électronique, le blogue est une pépinière fertile pour les écrivains. Certains deviennent des vedettes presque du jour au lendemain. Pierre-Léon Lalonde, le chauffeur de taxi, conduit la nuit et écrit le jour; il a un lectorat de milliers d’internautes et il a même trouvé un éditeur (Septentrion) grâce à son carnet virtuel. Les blogues forment de petites communautés virtuelles, comme des gangs de gens cools à l’école secondaire. Ils sont tissés serrées mais pratiquent parfois l’excommunication, provoquent des querelles dignes des encyclopédistes et ne ménagent pas leur fiel.

Le premier blogue littéraire au Québec a été créé par Christian Mistral. Son expérience était à l’avant-garde d’une révolution littéraire. En effet, il faut bien être d’accord avec Nicolas Langelier : « les blogues sont une des meilleures choses qui soient arrivées à notre culture depuis, oh, une bonne centaine d’années (je dirais même depuis Gutenberg, si je ne craignais pas l’apparence d’hyperbole) ». Pire, ils transforment à jamais l’expérience de l’écrivain convié à fréquenter son public de façon presque instantanée : « Comment aller au plus profond de soi si quelqu’un d’autre peut intervenir à tout moment? » écrit Lady Guy.

Le côté farwest, territoire où tout est permis, cause aussi des problèmes d’excès de liberté. Le faux blogue de Réjean Ducharme monté par un imposteur viole les limites de l’acceptable dans cet univers où l’on a de comptes à rendre à personne. Sinon, ce qui est mirifique dans la blogosphère, c’est la largeur du spectre : c’est le seul lieu où on peut lire les fictions déconstructivistes de Patrick Brisebois, des mères exaspérées qui donnent des conseils sur la tétée et les épisodes érotiques de l’énigmatique Anne Archet.

Nous publions donc ce numéro de Zinc à un moment où plusieurs déclarent que le blogue est mort, Orkut, Twitter et autres Facebook de ce monde ayant soi-disant détrôné le blogue chez les moins de vingt ans. En page couverture de ce numéro, vous trouverez un autoportrait intitulé Clamber, issu de la série Clones de Miss Aniela, étudiante en lettres à l’université de Sussex, vedette de Flickr à tout juste vingt ans. Elle a reçu la visite de plus d’un million d’internautes et ses photos ont même fait l’objet d’un reportage de la BBC. L’autoreprésentation, la multiplication de soi, l’être décuplé présent chez Miss Aniela incarnent bien les châteaux de miroirs du Web 2.0.